Pour un exégète de Manset, s’attaquer à UNE compilation, c’est déjà une gageure pour essayer de démêler le « vrai du faux », de savoir quel morceau vient d’où et dans quel état. Mais alors, quand on a dix-neuf CD d’un coup... Heureusement que s’attaquer à sa discographie présuppose déjà d’être fou à lier parce que sinon...

Si MANSETLANDIA représente la quintessence de son œuvre en 2016, il représente aussi la quintessence de la « Méthode Manset » ; de comment il réécrit son histoire en permanence, changeant titres, albums, durées, mixages, textes, recoupant là, rallongeant ici... Quitte à tordre un peu le cou à la réalité des faits quand ça l’arrange... Ainsi ce n’est pas quinze albums qui ont été remixés mais un peu plus de treize et les «INEDITS 1972 » ne datent pas tous de 1972 ! « Caesar » en latin date en fait de 1970 (même s’il est indiqué de 1972 sur le CD promo de MANSETLANDIA), et « Caesar » en français et « L’amour infernal » (titré à l’époque « L’amour éternel ») de 1971... Et « On va disparaître » qui figure sur le disque 17 dans les « INÉDITS 2015 » est en fait indiqué comme un inédit 2003 sur la pochette du CDS promo de ce même MANSETLANDIA ! La réalité est en fait ce qu’il dit qu’elle est au moment où il le dit. Il en est de même pour "Long long chemin, "l'album blanc" de 1972, qui sera présenté comme faisant partie de MANSETLANDIA quand il sortira en octobre 2017 - au moment ou il redécoupe le coffret pour vendre les CD à l'unité - alors que MANSETLANDIA est paru l'année d'avant et qu'il n'y figurait pas !!!

N’ont pas été remixés :
- le disque 2 « Inédits 1972 ». C’est logique puisque c’est une première sortie.
Concernant ce disque, on ne peut s’empêcher de penser que son titre est légèrement usurpé, puisque « Caesare » date de 1970 et « Caesar » et « L’amour infernal » de 1971.
- le disque 14 « Obok ».
- le disque 15 « Manitoba ne répond plus ».
- le disque 18 « Opération Aphrodite ». C’est logique vu qu’il a été fait en 2016 !
- le disque 19 « Route Manset ». C’est logique aussi, puisque ce n’est pas un disque de lui.

Sur le disque 13 « Le langage oublié » seuls les deux premiers titres « Demain il fera nuit » et « Quand on perd un ami » ont fait l’objet d’un remixage en 2016.

Ces remixages concernent les albums jusqu’à « Matrice », publié en 1989, et impactent surtout la durée du morceau, qui peut être raccourcie, mais surtout allongée, parfois même jusqu’à plus d’un tiers ! Comme « Qu’il est loin le temps devant nous » sur le disque 3 (passant de 4’10’’ à 5’43’’).

Et pour le contenu, qu’en est-il ? Vu le peu de changements structurels intervenus, je pense qu’on approche de sa discothèque idéale. Chaque pochette – en papier, c’est normal, vu le prix de vente - reprend en son centre la photo de l’album original, sauf le disque 2 «Orion» qui reprend un dessin du livret, le disque 3 « Y’a une route » qui, lui, reprend la photo du « Best of », le disque 5 « Royaume de Siam » qui reprend la photo de l’album éponyme remixé en 1988 (sûrement parce que sur l’original c’était une photo de lui, de face !) et « Aphrodite » qui reprend un dessin du livret initial. Le disque 6 « Le train du soir » reprend bien, lui, la photo originale, mais pas le contenu ! Deux titres seulement sont extraits du LP, sept de « Comme un guerrier » avec l’inédit «Pavillon sous la neige » qui figurait déjà sur le disque du coffret « Le train du soir » paru en 1999. Le disque 12 « Jadis et naguère » est celui du coffret de 1999 contenant le  titre inédit supplémentaire « Artificier du décadent ». Après le disque 2 qui contient les inédits 1972, la seule vraie distorsion intervient avec les disques 16 et 17. On se souvient que « Un oiseau s’est posé » était un double CD. Là, il est divisé en deux. Le 16 « Un oiseau s’est posé (2014) » et le 17 « Un oiseau s’est posé (2014) » + inédit 2015 (2015) qui contient aussi un inédit de 2003 (« On va disparaître ») et dont la pochette est, par contre, inédite.

Comme s’il n’aurait pas été plus simple de faire un seul CD contenant tous les inédits quel que soit leur statut et leur date...

Donc, après ce qui est pareil (ou presque), ce qui est différent : les inédits.
Ils sont de deux sortes, les vrais inédits et les inédits en CD.

LES VRAIS INEDITS :
- « Tu fais vivre autour de toi » (1972, qui, avec son diptyque voix / piano, fait penser à une démo qui aurait échappé à « Long long chemin »).
- «On va disparaître » (annoncée de 2015 sur le disque 17 mais de 2003 sur le CDS promo).
- « Extension du domaine d’Aphrodite (2016) », chute de studio de l’album « Opération Aphrodite ».

LES INEDITS EN CD.
De loin les plus nombreux et les plus intéressants.
La durée des morceaux n’est pas officiellement indiquée sur MANSETLANDIA mais force est de constater qu’elles diffèrent toutes (même si parfois c’est de peu) de la version originale.

« Un homme étrange » reste à sa place sur l’album « Y’a une route » et gagne 2 secondes, « La pie noire » passe de « Rien à raconter » à « 2870 » et de 3’50 à 4’18’’, « Les rendez-vous d’automne » passent, eux, de « L’atelier du crabe » à « Revivre » et chutent de 5’50’’ à 5’24’’. Quant à « La liberté », elle passe, elle aussi, de « Rien à raconter » à « 2870 » mais en perdant 2’’ (de 2’40’’ à 2’38’’) !
« L’amour infernal » qui n’était paru qu’en 45t (sous le titre « L’amour éternel ») retrouve donc le titre prévu à l’origine (pour coller au refrain) et se place logiquement sur le disque des inédits 1972 passant pour l’occasion de 3’02’’ à 4’28’’.
« Donne-moi la préférence » (3’20’’ rallongé à 4’44’’ et anciennement appelée simplement « Donne-moi ») et « Jeanne » (10’51’’ réduit à 10’37’’) ­toutes deux parues sur le LP « Long long chemin » complètent les inédits 72.

Mais le cas le plus intéressant est celui de « Caesar ». La version latine initialement parue en 1970 sur un 45t promo s’appelle sur MANSETLANDIA « Caesare » pour ne pas la confondre avec la version française parue, elle, en 1971 sur un 45T commercialisé.
Les changements ne sont pas très notables sur la version latine mais conséquents sur la version française ! On passe de 4’02’’ à 4’38’’. L’orchestration ne change pas beaucoup - même si la voix est mixée beaucoup plus en retrait - mais surtout, il a rajouté une strophe inédite dont le texte ne figure même pas dans le livret pourtant dit « intégral » !

« De Caesar araignée de Dieu
que reste t’il ?
S’il fit tant de mal
si Caesar a régné
fait de son mieux
Les cendres s’égalent..
. »

Ce n’est évidemment pas une création de 2016, mais comme il se dit qu’il existerait une version de dix minutes, il y a donc de quoi piocher ! Par contre, ceux qui ne connaissent ni la version originale ni l’histoire de Jules César se demanderont sous les coups de qui il est tombé, puisque - pour une raison inconnue – le vers « de son fils aîné » a disparu de l’enregistrement !

Cette pratique verra aussi le jour sur l’autre titre du 45t original, «L’amour éternel», qui - dans MANSETLANDIA devient «L’amour infernal» et passe de 3’02’’ à 4’28’’.
Dans la 2ème strophe un vers disparaît («de casques d’or et de fougères») et dans la 3ème c’est un nouveau vers qui fait son apparition au début: «souvenez vous...» Tandis que le dernier vers est raccourci d’un mot ! Du travail d’orfèvre ! et - comme dans «Caesar» - une nouvelle strophe fera son apparition vers la fin :

«Un jour l’homme sera sur terre
rendant les armes inutiles
entassées aux portes des villes
chassant (orthographié ‘chanssant’ dans le livret) de l’homme vertical
le dialecte au buste bancal
l’amour infernal

ouvrez grand le ciel et l’enfer
voyez ce qu’il vous reste à faire de vous

aimez-vous
aimez-vous... »

Ces disparitions sont une pratique curieuse - et pour le moment inexpliquée - initiée en 1996 au moment de la remasterisation de l’album « Orion ». Là, pareil, des mots et des vers avaient été supprimés rendant l’ensemble parfois peu compréhensible...
Dans MANSETLANDIA, sur le disque 4, dans « Jésus », dont la durée a pourtant été étendue (de 4’45’’ à 5’31’’) par deux fois le mot « Jésus » a été coupé ! Et ça donne donc des phrases comme :

« Les mêmes cheveux que …
Le même habit de velours, lourd, lourd... 
»

Dans « Les rendez-vous d’automne » c’est par contre tout un vers qui a été supprimé !
La version dure là 5’24’’ au lieu de 5’54’’ et se termine par :

« Tu regardes les oiseaux... »

Au lieu de :
« Tu regardes les oiseaux.
Voler vers l’Amérique, L’Amérique !
 »

Mais ces changements concernent aussi les titres de chansons puisqu’on a vu donc que « Donne moi » est devenue « Donne moi la préférence » sur le disque 2 et que «L’amour éternel» est devenu infernal...


Bref, dans tout ça, il n'y a pas que l'amour qui est infernal......