Manset, photographe boulimique, qui a parcouru le monde (moins maintenant) avec d'abord son Asashi Pentax puis avec son Nikon FG 28mm, ne considère pas la photographie comme un art; loin s'en faut ! « Je m'insurge contre la photographie artistique, dira t'il en 2011 à Jean-Claude Perrier lors de la préparation de son recueil « Journées ensoleillées » - Une bonne photo ça consiste à s'être trouvé au bon moment au bon endroit et, quelque soit le sujet, c'est la nostalgie qu'on voit ». Définition que n'aurait pas reniée Henri Cartier-Bresson et son célèbre « instant décisif ». Sauf que Cartier-Bresson, lui, était plus « humaniste » que nostalgique. Car c'est bien la nostalgie qui irrigue toute l’œuvre chantée, écrite et photographiée de Manset. Cette nostalgie d'une enfance pure et heureuse, de contrées lointaines forcément magiques et immaculées, loin de l'Homme.
Un destin frappé par l'incandescence de ce NON.
Non,cela ne sera plus.
Non,cela n'a jamais été.
Non, cela ne sera jamais.

ll favorise un grand angle, "pas le 24 prôné à l'époque, mais le 2.28", toujours dans son sac à côté de pellicules avec lesquelles il couvre tout, il utilise une ouverture de f/2, de nuit comme de jour, en plein soleil ou pas, et quelques rouleaux de Kodakrome pour les « grandes occasions », ou petites d'ailleurs... Il se balade et écrit tout en capturant des objets, des lieux, des personnes, véritable témoignage de son amour esthétique pour des objets

Texte et propos recueillis par Ambrine Benyahia Le 26 avril 2012

La photo ? Voilà encore un monde à part qui me gonfle ! J'ai toujours fait de la photo, mais de manière succincte, et sans tirer. Aux Arts Décos, j'avais même laissé ça de côté, parce que la photo à connotation plus ou moins artistique ou je ne sais quoi, ça me fatigue à un point… Toutes ces expos, tous ces livres totalement inutiles et inintéressants – le sommet là-dedans étant ces bouquins du genre "La femme vue par Lucien Clergue", tous ces trucs totalement vaseux de flotte, de plages et de modèles féminins… Ce n'est que bien plus tard, à la fin des années 70, que j'ai eu une vraie révélation, en une après-midi, à Londres, alors que je ne faisais plus de photos depuis belle lurette. J'étais allé rencontrer le collectif de graphisme Hipgnosis pour la pochette de mon album 2870. Le temps que les mecs travaillent sur les différentes pistes du projet et me proposent un rendu, j'ai eu l'opportunité de faire une ou deux séances avec les photographes de leur équipe. Et là, je suis tombé sur un type, qui pour quelques photos a pris son boîtier – un Nikon quelconque –, foutu deux rouleaux dedans, et deux dans les poches, et en avant ! Le genre qui, quand tu lui demandes où on va, te répond : "En bas, on va faire le tour du pâté de maisons". Enfin, on allait faire le tour du pâté de maisons ! C'est tout à fait symbolique, mais tellement vrai : jusque là, je n'avais rencontré que des gens qui cherchaient des situations, des lieux, des décors, des machins… Pour un type comme moi, une fadaise absolue !

Richard Robert - l'oreille absolue - octobre 1996

« On voudrait revivre
Mais ça veut dire
On voudrait vivre encore la même chose
Refaire peut-être encore le grand parcours
Toucher du doigt le point de non-retour
(…)
Le temps n'est pas venu qu'on se repose.
Il faut refaire encore ce que l'on aime,
Replonger dans le froid liquide des jours, toujours les mêmes
Et se sentir si loin, si loin de son enfance.
En même temps qu'on a froid, qu'on pleure, quand même on pense
Qu'on a pas eu le temps de terminer le livre
Qu'on avait commencé hier en grandissant,
Le livre de la vie limpide et grimaçant
Où l’on était saumon qui monte et qui descend
Où l’on était saumon, le fleuve éclaboussant
Où l’on est devenu anonyme passant
Chevelu, décoiffé
Chevelu, décoiffé, difforme se disant
On voudrait revivre, revivre, revivre…
On croit qu'il est midi, mais le jour s'achève.
Rien ne veut plus rien dire, fini le rêve.
On se voit se lever, recommencer, sentir monter la sève
Mais ça ne se peut pas,
Non ça ne se peut pas, Non ça ne se peut..
."

REVIVRE – REVIVRE - 1991
« Je relis – continue t'il - toutes ces belles choses très signifiantes, revis tous ces endroits par lesquels je suis passé, avec nostalgie mais aussi avec fierté dans ce matériel unique parce que tout ça parfois n'existe plus, mais unique aussi par le regard que j'ai porté sur eux, avec ma rapidité et mes obsessions ; la nourriture par exemple. Ces plats qui semblent attendre le retour de celui qui est en train de les tester à moins qu'il ne soit plus et ne revienne jamais.....
...Ou ces chambres d'hôtel « moisies » aux lits défaits, figés, comme une Pompéi moderne. »
« ...Chevelures des fenêtres fermées des chambres d’Asie
Papier des murs des chambres des hôtels moisis
Chevelure immobile et chaude des longues nuits
Draps mouillés de tous les cris des odeurs du temps qui fuit..."
"...Chevelure des rideaux tirés des fenêtres closes
Le reflet dans les glaces des murs des corps qui reposent
Bruit des clés des barreaux des portes de fer
Le couloir allumé le jour et la nuit comme en enfer..."

"...Comme en enfer
Mais comment faire
Retournes-y quand même
Murs moisis
Où l’on te dit qu’on t’aime...
 »

CHAMBRE D’ASIE – PRISONNIER DE L’INUTILE - 1985

Deuxième point central dans son oeuvre, ce sont donc les enfants et leur pureté rêvée. Puis les paysages, et - accessoirement - quelques rares autoportraits.
 

Mais il en est des photos, comme des titres, quand il aime il réutilise... Ainsi les deux photos ci-dessous -entre autres - se retrouveront dans trois recueils de photos ! Celle de droite ayant - en plus - l'honneur de faire la couverture du livre "Aqui te espero" paru en 1994.
Il réalisera aussi les photos de pochettes de 45T (ou maxi) pour d'illustres inconnus....

 

Ses expositions de photos n'ont pas été très nombreuses non plus, mais il en a quand même fait sept !

- "Chambres d'Asie" en avril 1986 à la FNAC-MONTPARNASSE.

- "Aqui te espero" toujours à la FNAC-MONTPARNASSE en 1994.

- "La vallée de la paix" à la galerie "Auteurs" à Paris XIVème en février 2000

- "De Siem Reap à Khajuraho" à Paris XIVème en juin 2000.

- "Journées ensoleillées" à la galerie VU du 26 mai au 4 juin 2012

- "Avec le facteur Cheval" (participation) au musée de la poste à Paris en 2017

- "Escales" Une deuxième exposition à la galerie VU qui se tiendra du 14 décembre 2017 au 3 février 2018

Cette deuxième exposition sera une expo vente. De ses livres, mais surtout de ses tirages qui seront répartis en deux catégories: les tirages pigmentaires vendus 900€ pour un 15x22 et 1400€ pour un format 20x36 et les tirages argentiques vintages et chromogènes qui iront de 1900 à 3200€.